RAVO – 2024

MetAImorphorse by Andréa Ravo Mattoni

MetAlmorphosis

Et si le monde n'était qu'illusions ? Abreuvées d'images, nos croyances et nos certitudes reposent dorénavant sur des photos et vidéos véhiculées par la fibre optique et les satellites. Notre représentation mentale et globale du monde est désormais virtuelle, nous permettant de visiter des contrées où nous ne mettrons jamais les pieds, d'aborder des êtres sans les rencontrer, d'appréhender un passé sans cesse réinventé. Adieu livres et portulans d'antan, encyclopédies et atlas illustrés, qui recensaient et condensaient le monde. Aujourd'hui, l'image numérique régente la connaissance et nous offre la vision d'un monde total. En trompe l'œil ?

Quid alors de l'artiste et de ses artifices dans cet univers visuel saturé ? Créateur et manipulateur d'images, Andrea Ravo Mattoni propose une nouvelle approche du monde tout en métamorphoses, pour le ré-enchanter. Sur les pas d'Ovide, l'artiste urbain pourrait faire sien l'incipit du poète antique
" J'ai formé le dessein de conter les métamorphoses des êtres en des formes nouvelles. O dieux (car ces transformations furent, elles aussi, votre œuvre), favorisez mon entreprise". Car le plasticien fait d'abord acte d'écriture. Nouveau démiurge du XXI s., Ravo délègue à l'ordinateur le soin d'imaginer de nouvelles images d'après ses instructions écrites. Confiant ses intentions à l'intelligence artificielle, laisse la machine rêver une hybridation du monde... Surgissent alors des paysages inconnus où évoluent des personnages improbables dans des situations inimaginables. Absurdes mais poétiques.

Le déplacement spatio-temporel de ses narrations nous invite à reconsidérer l'œuvre d'art mais aussi la pratique artistique. Sous la tutelle de deux grands maîtres, Tiepolo et Velasquez convoqués à égalité, les toiles de Ravo nous montrent un monde d'illusions mais non illusionniste. A regarder de plus près, ses personnages aux costumes "rétro-futuristes" interagissent dans un espace impossible.
Si la sphère récurrente dans ses toiles conserve son rôle symbolique traditionnel évoquant le pouvoir temporel, tel l'orbe médiéval, ses propriétés géométriques ne jouent plus leur rôle plastique attendu.

En effet, malgré les reflets qu'ils renvoient attestant de leur nature cristalline, ces globes ne constituent pas des espaces définis. Leur présence pourtant bien réelle n'est pas physique. Les différents protagonistes, hommes et bêtes, les traversent sans jamais vraiment être à l'intérieur ni à l'extérieur. Dans cet univers onirique, on pense alors à la peinture surréaliste ou métaphysique du siècle dernier, si ce n'est que ces rêves ne sont plus ceux de l'homme mais ceux de la machine que l'artiste se seraient contentés de retranscrire. A ceci près que c'est Ravo qui a nourri cette machine à rêves en lui donnant de la matière lexicale : ses mots sont à l'origine de ce processus artificiel. Il en ressort une nouvelle iconographie dont aurait rêvé Cesare Ripa auteur du best-seller du Seicento, L'Iconologie ou la Description des images universelles. Mais chez Ravo, tout est renouvelé, les symboles ne sont plus l'héritage d'une tradition, les références ne sont plus à chercher dans le passé.
Un Art brut ? Cependant, l'intelligence artificielle ne fait pas table rase des savoirs, elle les ingère puis les reconfigure. Mais in fine, c'est l'artiste qui choisit, arbitre, décide de ce qui lui convient de peindre sur sa toile. Et Ravo de trancher, « L'IA n'est pas intelligente, ce n'est qu'un outil soumis au bon vouloir de l'artiste ».

Cyrille Gouyette